Quand nous ne comprenons pas les réactions de nos enfants, nous avons tendance à les expliquer en projetant nos propres capacités, qui plus est celles quand nous sommes dans des moments de grande sérénité. Nous décidons donc qu’ils « le font exprès », « se moquent de nous », voire « nous manipulent ».

Nous oublions alors :

  1. que ce sont des êtres en construction
  2. qu’il nous arrive nous aussi parfois d’avoir des réactions violentes, impatientes, contre-productives, voire de « péter les plombs » : les émotions nous jouent des tours !

Sous l’effet du stress ou de la fatigue, la peur se transforme alors en panique, la colère en rage ou en violence, la tristesse en désespoir, une personne habituellement douce et sensée en un être aux réactions violentes et irrationnelles. Lorsqu’on perd le contrôle, même la joie peut être dangereuse, conduisant à l’envolée des inhibitions et à des conduites à risques qu’il ne nous viendrait pas à l’idée d’envisager en temps normal.

Pourquoi nos émotions sont-elles exacerbées sous l’effet du stress ou de la fatigue ?

Que se passe-t-il en nous, et pourquoi avons-nous l’impression que nos enfants sont sous acide plusieurs fois par jour ? Le neuropsychiatre américain Daniel Siegel propose une image simplissime pour résumer le fonctionnement de notre cerveau et expliquer ses réactions (et les nôtres).

Le cerveau dans la main

Il utilise la main et l’avant-bras pour représenter le cerveau.

  1. L’avant bras représente la colonne vertébrale.
  2. Le pouce rabattu représente le tronc cérébral et la partie limbique du cerveau.
  3. Le poing formé par les 4 autres doigts rabattus représentent le cortex.
  4. Les phalanges et les ongles représentent quant à eux le cortex pré-frontal

Une petite visite guidée de ces différents éléments s’impose :

  1. Le tronc cérébral est placé sous le cerveau et assure le prolongement de la moëlle épinière. Il est le siège :
    • des cinq sens et de la perception de la douleur,
    • des fonctions physiologiques automatiques et réflexes comme la respiration ou la digestion.
  2. La partie limbique du cerveau est principalement constituée de l’hippocampe (qui mémorise les faits) et l’amygdale (qui attribue une signification affective aux situations). La partie limbique du cerveau est le siège :
    • des émotions,
    • des réactions en cas de stress (au nombre de 3 : attaque, fuite, prostration).
      Son rôle est de nous alerter en cas de danger pour nous protéger : les réactions au stress sont donc de l’ordre des réflexes, forgés par l’habitude, l’expérience et non la réflexion
  3. le cortex frontal est le cerveau de l’anticipation : il nous permet de
    • faire des hypothèses,
    • imaginer des solutions jamais testées auparavant,
    • rêver,
    • nous projeter par l’imagination dans le futur,
    • diriger nos comportements en fonction d’analyses et de décisions rationnelles.
  4. Le cortex pré-frontal est le siège des fonctions supérieures du cerveau et de l’intelligence humaine :
    • la régulation des émotions,
    • la moralité,
    • l’organisation et l’esprit logique, la pensée, le raisonnement
    • la prise de décision,
    • l’empathie. En effet, le lobe frontal ouvre à la conscience des émotions des autres

On peut observer que les parties basses de notre cerveau ne sont absolument pas sous notre contrôle conscient : il est impossible de ne pas ressentir une douleur ou une émotion, ou de ne pas réagir à un stress. On peut décider consciemment de l’ignorer, mais pour cela il faut faire appel aux parties hautes, et surtout au cortex pré-frontal.

Ainsi, au niveau de l’image élaborée par Daniel Siegel, notre cerveau a la forme d’un poing fermé sur le pouce : ce sont les doigts qui viennent couvrir le pouce, quand nous fermons la main. Les doigts refermés sur le pouce, représentent donc cette capacité de ressentir des émotions, même fortes, tout en gardant active la connexion avec nos compétences de raisonnement, de réflexion.

Le cortex pré-frontal tempère l’amygdale : c’est lui par exemple qui refrène nos pulsions agressives quand un filou nous passe devant dans une file d’attente. Que passe-t-il le jour où, excédé, nous nous en prenons violemment au troisième qui tente la manoeuvre, et va payer pour les autres ?

Houston ne répond plus

En temps normal, position « poing fermé », le cortex contrôle le limbique et nous permet d’articuler une remarque ferme mais courtoise envers l’impétrant… ou de décider de l’ignorer en dirigeant notre attention ailleurs ou en manifestant notre agacement par un simple soupir. Tout va bien.

Mais sous l’effet du stress, cette connexion « saute » : nous sommes déconnectés de notre cortex préfrontal, de notre capacité à prendre des décisions logiques. Nous sommes alors physiologiquement incapables d’accéder aux fonctions supérieures de notre cerveau et sommes en prise directe avec notre stress. Le cortex pré-frontal ne joue plus son rôle de modérateur des émotions.

Sous l’effet du stress, le cortex préfrontal, régulateur des émotions, se déconnecte.

L’image des doigts qui se relèvent et ne couvrent plus le pouce, illustre cet état dans lequel est la personne lorsqu’elle n’a plus accès à ses compétences de raisonnement et de logique. En effet, au niveau émotionnel ce qu’elle ressent est tellement fort, qu’elle ne peut plus trouver le chemin de ses capacités de réfléchir et d’analyser. Par conséquent, le cerveau limbique n’est plus connecté au cortex frontal. Ce sont donc les fonctions primaires de stress qui prennent le contrôle : attaque, fuite ou sidération

On voit bien l’inutilité de raisonner une personne dans cet état, qu’il s’agisse d’un adulte qui se met soudain à vous invectiver ou à hurler de frayeur, d’un ado qui claque les portes ou d’un enfant qui tape sur sa soeur ou se met à courir sur un parking. Vos explications s’adressent à ses capacités de raisonnement, qui sont pour l’instant aux abonnés absents.

Le principe de la gestion de ses émotions, c’est d’apprendre à garder active cette connexion. C’est aussi découvrir comment ne pas laisser le « contrôle » au cerveau responsable de la réaction au stress, c’est à dire de garder le pouce encore quelque peu couvert par les doigts repliés sur la paume.

Rétablir la connexion

La discipline positive recommande alors de marquer un temps de pause lorsque nous sentons une émotion forte monter en nous, afin de nous reconnecter avec notre cortex, de retrouver nos capacités intellectuelles. De faire redescendre les doigts sur le pouce, en somme.

Dans le cas d’un enfant, il va falloir l’aider à rétablir cette connexion.

Pour éviter de faire un article trop long, j’explore les réponses à ces questions dans différents articles que je vous invite à parcourir.

Voici une vidéo des éditions Les Arènes qui explique aux enfants le principe du cerveau dans la main :

Pour aller plus loin : Le cerveau de votre enfant de Daniel Siegel et Tina Payne Bryson, ed. Les Arènes.

Catégories : Comprendre

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