La psychologie cognitive et les neurosciences nous apprennent qu’observer l’expression d’une émotion sur un visage entraîne une réaction mimétique automatique chez l’observateur. Cette réaction spontanée serait à la base de notre capacité à reconnaître les émotions. Mais également de la contagion émotionnelle ainsi que de l’empathie.

Elle repose sur les neurones miroirs, qui s’activent dans le cerveau lorsqu’on regarde quelqu’un accomplir une action. Mais également lors de l’expression subtile d’une émotion.

Neurones miroirs, imitation faciale, intelligence émotionnelle et empathie

Lors d’une interaction en face à face, nous n’avons généralement pas conscience des petites variations dans l’expression du visage de notre interlocuteur. Cela ne signifie pas pour autant que nous ne les percevons pas et que nous n’y réagissons pas.

On sait par exemple que les enfants, peu après leur naissance, imitent spontanément les expressions du visage de leur mère. Cette imitation participe à la synchronisation entre la mère et son enfant et renforce le lien maternel.

Le mimétisme automatique des expressions du visage permet la reconnaissance des émotions

Les études ont mis en évidence des micro-contractions spontanées, chez l’observateur, des muscles impliqués dans l’expression de l’émotion observée. Ainsi, par exemple, observer un visage souriant entraîne une micro-contraction du muscle zygomatique majeur de l’observateur. De même, observer un visage en colère entraîne une micro-contraction du muscle corrugateur du sourcil et du muscle releveur de la lèvre supérieur ainsi qu’un relâchement des autres muscles.

Ce mimétisme automatique des expressions du visage, encore appelé imitation faciale spontanée, se produit moins de 500 ms après l’observation. Il se manifeste par des contractions musculaires congruentes avec l’émotion observée. Un article récent publié dans la revue Nature montre l’existence de cette imitation spontanée lors de la perception des six émotions de base (joie, colère, tristesse, dégoût, surprise, peur), mais également des émotions complexes, telles que le mépris ou la fierté. On l’observe également chez un certain nombre de mammifères sociaux.

La tétine altère la capacité d’empathie

Certaines études se sont attachées à mesurer l’impact de l’utilisation de la tétine sur le traitement des émotions. Elles concluent toutes que l’utilisation fréquente et prolongée de la tétine diminue considérablement l’imitation faciale spontanée de l’enfant. Plus encore, elle diminue également l’imitation faciale spontanée de sa mère.

D’autre part, une étude longitudinale a montré l’impact délétère à long terme de cette surutilisation de la tétine. Elle altère en effet le développement de l’intelligence émotionnelle ainsi que la capacité d’empathie des garçons adolescents.

Enfant avec une tétine dans la bouche. La tétine empêche la contagion émotionnelle et diminue l'empathie sur le long terme
La tétine altère la capacité d’empathie des garçons

Selon les auteurs de ces études, l’utilisation intensive de la tétine bloquerait la simulation sensorimotrice durant une période déterminante du développement de l’enfant, freinant ainsi son apprentissage de la communication émotionnelle. Elle fabriquerait ainsi des garçons pourvus de moins d’empathie. Chez les filles, cette perturbation serait compensée par une attitude et une manière de communiquer différente de la part des parents, influencées par la norme sociale qui considère la fille comme une « experte » sur le plan émotionnel.

Cette étude suggère par ailleurs l’existence d’un lien fort entre les capacités d’empathie et l’imitation faciale spontanée.

Empathie et imitation faciale spontanée

Leur étude a en effet montré, chez les individus les plus empathiques, une accentuation notable des contractions musculaires de mimétisme automatique lors d’une tâche d’observation d’émotions sur un visage.

Source : https://lopezpsychologue.fr/contagion-emotionnelle-et-empathie-les-mecanismes-neurocognitifs-en-jeu/

Conseils et perspectives

On peut donc conseiller aux parents, outre une limitation de l’usage de la tétine (qui a d’autres inconvénients, comme la déformation des dents et l’entrave à l’expression verbale), de pratiquer des jeux de rôles, d’imitation et de mimes axés sur l’expression des émotions, notamment avec leurs garçons.

Le résultat de ces études permet en outre de craindre une baisse de l’intelligence émotionnelle et de l’empathie chez la génération qui aura connu à un âge tendre le coronavirus et l’usage généralisé du masque facial (notamment pour les professionnels de la petite enfance) pendant une année entière, si une attention particulière n’est pas portée à la stimulation de ces compétences à l’avenir.

Catégories : Comprendre

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